Assault on Precinct 51
J’ai utilisé le terme de “sauvageon” en 1998, devant l’assemblée nationale. J’incriminais alors l’assassinat d’une épicière par un mineur de 14 ans. Etymologiquement, le sauvageon est un arbre non greffé. J’incriminais donc l’insuffisance de l’éducation, celle des parents comme de l’école. Il y a une différence complète de conception avec la “racaille” de Sarkozy. Sauvageon est à la fois ironique et pédagogique. Ce n’est pas une injure.
Jean-Pierre Chevènement, 14 juillet 2006
Le grand historien Sse-ma Ts’ien raconte que Tchao Kao, l’eunuque devenu Premier ministre du débile Second Empereur, sut qu’il détenait la réalité du pouvoir quand il appela un cerf un cheval et que nul n’osa le contredire.
Jean Lévi,
La Chine est un cheval et l’Univers une idée, 2010
Comme chaque année, comme tous les mois, la ferveur arithmétique fait débuter le mois de Novembre par le 1er auquel succède mystérieusement le 2ème jour du mois. Novembre s’ouvre par la Toussaint suivie du Jour des Morts mais réunis selon l’usage en un même et unique jour : le 1er jour du mois, jour de tous les Saints connus ou inconnus, de tous les martyrs, martyres et fidèles, canonisés ou sanctifiés illuminés dans la Gloire de Dieu ou baignant dans la béatitude divine. D’un côté le culte de la vie éternelle, de l’autre le Jour des Morts, pierre angulaire, croisée d’ogive de toute religion : le culte des ancêtres.
Et le KV626, Requiem de Mozart, vous fait dresser les cheveux et vous recouvre d’un manteau de chair de poule. Les trompettes de la mort résonnent, les tremolos d’outre tombe et les syncopes de l’au-delà vous font pâlir de terreur.
Dies irae, dies illa Solvet saeclum in favilla, ::: Quantus tremor est futurus Quando judex est venturus Cuncta stricte discussurus ::: Tuba mirum spargens sonum Per sepulcra regionum Coget omnes ante thronum. ::: Mors stupebit et natura Cum resurget creatura Judicanti responsura.
Jour de colère que ce jour-là, où le monde sera réduit en cendres, ::: Quelle terreur nous envahira, lorsque le Juge viendra pour délivrer son impitoyable sentence! ::: La trompette répandant la stupeur parmi les sépulcres, rassemblera tous les hommes devant le trône. ::: La mort et la nature seront dans l'effroi, lorsque la créature ressuscitera pour rendre compte au Juge.
En ce jour des Morts du 2 novembre commémoré un 1er novembre, les stèles verdissent, les tombes fleurissent et les corps pourrissent, tisane d’un sommeil profond, décoction à base de pissenlit, de vers et de vermine.
devant le Panthéon, 11 novembre 1920.
Puis quelques jours plus tard, le 11 novembre, la nation rend hommage aux soldats morts de la 1ère Grande Boucherie. Soldats sacrifiés, dépouilles non identifiées, fantômes poilus comme autant d’âmes errantes dans les cratères d’obus d’où surgit tel un feu follet, l’éternelle flamme du soldat inconnu qui n’en finit plus de mourir. Et suite à ses obsèques nationales, le Christ ne ressuscitera Lazare enfermé dans son tombeau. Car tel est son nom : Lazare Ponticelli, supercentenaire, Lazzaro Ponticelli, le dernier poilu mort en 2008, à l’âge de 110 ans.
Flamme du soldat inconnu (1924)
En ce début de mois de novembre 2010, oh combien rituel, macabre et funèbre, infâme et funeste, la ville de Châlons-en-Champagne s’apprête à accueillir sous un chapiteau le Cabaret des Monstres dans le jardin municipal du Grand Jard, en co-réalisation avec L'Entre-Sort de Furies.
Châlons-en-Champagne est une ville dont l’histoire gallo-romaine est presque aussi tumultueuse que l’histoire rocambolesque de son nom : Châlons-en-Champagne. La ville anciennement nommée Châlons sur Marne de 1795 à 1995, puis Châlons-en-Champagne de 1995 à 1997 et pour vice de procédure renommée Châlons sur Marne du 1er avril au 31 décembre 1997, s’appelle désormais Châlons-en-Champagne. Châlons est la préfecture de la Marne, haut lieu mortuaire et ubuesque de la Grande Guerre. Le département compte presque autant d’habitants que de morts, trépassés la fleur au fusil au cours des deux batailles de la Marne de 1914 et 1918. Si la Marne était une chanson, ses paroles diraient l’inverse de celles prononcées par la chanteuse-performeuse Laurie Anderson dans “Speak my language” : Down a river of red. Now that the living (don’t) outnumber the dead.
La ville de Châlons-en-Champagne s’apprête donc tout naturellement à révéler aux yeux ébahis, aux iris effrayés, aux pupilles dilatées de joie et de terreur des Châlonnais et des Châlonnaises, femme à barbe, homme serpent, zèbre licorne, poney nain à plume, sirène-otarie, gnomes… Le nom du spectacle est Obludarium, cabaret de curiosités ; en tchèque le Monde des Monstres.
Mais dans la cité marnaise, au cours de la nuit de samedi à dimanche, le 14 novembre, un autre événement se prépare commémorant avec quelques jours de retard le 34ème anniversaire d’un des plus effrayants “films d’exploitation”.
Le 5 novembre 1976 sortait sur les écrans américains Assault on Precinct 13, thriller culte mis en scène par John Carpenter, nocturne et sanglant, peint de nuit bleue et de sang. D’après le réalisateur d’immortels chef d’œuvres de série B, le film est un mélange de Rio Bravo (1959) avec John Wayne dans le rôle du shériff et de La Nuit des morts-vivants (1968) avec des figurants maquillés et déguisés en zombies dans le rôle des morts vivants, grimés de chair pendante et nécrosée aux délicates moisissures vertes orangées.
Dans le registre lexical du subversif “cinéma Bis”, “films d’exploitation” bravant tabous et interdits, il y eut la blaxploitation, avec la mise en valeur des afro-américains contre les affreux yankees ; la sexploitation, exploitation de l’imaginaire par le voyeurisme, le nonnesploitation, narrant la vie sexuelle de sœurs chrétiennes ; la zombiesploitation, montrant les tourments métaphysico-pervers des morts vivants. Avec Assault on Precinct 13, naît le film de nightsploitation, exploitation de la nuit par la peur du noir.
Assault a pour lieu South Central, “Bronx” de Los Angeles. La station de police de la 13ème division y est délabrée et sur le point d’être fermée. Le film raconte l’assaut mené par les Street Thunder, un gang du quartier adepte de l’ultra violence gratuite, contre un commissariat presque abandonné. Téléphone et électricité coupés, plongés dans les ténèbres, policiers, geôliers et prisonniers tenteront de survivre aux tirs nocturnes et silencieux.
Le 2 mars 2005 sortait sur les écrans français le remake américain de Assault on Precinct 13, intitulé… Assault on Precinct 13. Là où l’original se situait à Los Angeles, capitale mondiale de l’entertainment cinématographique et du cinéma porno, l’action du remake se situe désormais à Detroit, cité de Robocop, des cars et du beat, ville sinistrée de l’industrie automobile et de la musique techno.
La nouvelle version du film est mise en scène par Jean-François Richet, réalisateur français de Ma 6-T va crack-er (1996), dont l’action se situe dans la ville Seine-et-Marnaise de Meaux, capitale internationale, mondiale et universelle du fromage à croûte fleurie, duveteuse et parsemée de tâches rougeâtres, à pâte molle de couleur jaune paille et onctueuse : le brie. Derrière cette figure patrimoniale, ni coulante, ni dégoulinante mais à l’onctuosité florissante de moisissures, se cache le quotidien âpre et violent comme du roquefort, des jeunes de la 6-T. Entre malentendu, tension, haine et heurt avec la police, la “guérilla urbaine” est prête à éclater.
La 6-T, cité ou téci en latin vulgaire, langue romane verlane (le verlan) a pour étymologie la civitas dont dérive les concepts de citoyen et de civilisation, tout comme la police a pour origine grecque la polis, la ville. Il y eut la cité idéale, la cité radieuse, la cité ouvrière, la cité pénitentiaire, il y a aujourd’hui “la cité” tout court. Par une étrange inversion des mots et des choses, en France, la cité ne définit plus le cœur historique d’une ville mais un ghetto urbain périphérique à tendance ségrégationniste.
Huit mois après la sortie du remake de Assault on Precinct 13, le 8 novembre 2005, aux cours des émeutes du mois d’octobre le gouvernement déclare l’état d’urgence en application de la Loi n°55-385. Dite Loi n°55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie, le texte juridique est en réalité une émanation parlementaire issue de la guerre de persécution coloniale ou guerre d’Algérie plus connue sous la litote “d’événements d’Algérie” pour reprendre la rhétorique officielle du gouvernement d’Edgar Faure, comme celle des poujadistes, lepénistes, mitterrandistes ou de l’OAS. En l’espace de moins d’un mois, plus de 9000 véhicules sont incendiés (sur un total de 45000 voitures brûlées en 2005) et près de 3000 émeutiers arrêtés. Bienvenue dans la réalité. Flamboyante fureur de vivre à la française. Si le XXIème siècle, à l’échelle du monde, a débuté un 11 septembre 2001, à l’échelle de la France et pour d’autres raisons, ce fut un 27 octobre 2005.
Au cours de douze longues années d’un sommeil profond, au Bois Dormant, au Royaume de la Chiraquie, la France ne s’est réveillée qu’à deux reprises. Ce furent les émeutes de l’an 05 et la tempête de 99. Les millénaristes n’ont pas toujours tort. Peu avant le passage à l’an 2000, le cyclone extratropical Lothar traverse et transperce la France. Baptisé Lothar, en hommage au fidèle compagnon de Mandrake le magicien, la tempête emporte tout sur son passage : forêts disparues, arbres abattus, branches déchirées, troncs arrachés, souches envolées et des racines dans les nuages. A la tempête du siècle ont succédé les émeutes d’un nouveau millénaire. A la peur du vent destructeur a succédé l’angoisse du feu purificateur.
Le spectacle incendiaire des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises aurait coûté plus de 250 millions d’euros contre un budget de 38 millions d’euros pour From Paris with Love (2008), film écrit et produit par Luc Besson. Dans un article du Figaro du 15 octobre 2008, on peut lire : “La Cité des Bosquets de Montfermeil, théâtre des émeutes de 2005, accueillera-t-elle John Travolta et Jonathan Rhys-Meyer ? Rien n'est moins sûr. Après l'incendie dans la nuit de dimanche à lundi de 10 voitures devant servir aux cascades du film d'action, le tournage, en Seine-Saint-Denis de “From Paris With Love”, produit par Luc Besson via sa société Europacorp, «a été suspendu», a confirmé, mercredi à Europe 1, le réalisateur du “Grand Bleu”. (…) à la «grande déception» du maire UMP de la ville, Xavier Lemoine. «Suspendre la dynamique engagée n'était pas la meilleure décision à prendre. La population est fâchée», a mis en garde l'élu. Signe de cette frustration, un journaliste de France 2 s'est fait tabasser mardi. «Les voitures brûlées, c'est la Seine-Saint-Denis. Si on vient, on assume les risques, ce n'est pas le Club Med», a noté Xavier Lemoine (…)”
Un habitant du quartier, Samir, cité par la journaliste Widad Kefti dans un article passionnant du 15 octobre 2008 publié sur le site Bondy Blog s’exprime en ces termes : “Je suis bien content que le tournage soit annulé, ici, ça nous appartient et Besson, il nous a pas demandé notre avis. C’est soit il prend tout le monde, soit il prend personne.” De Samir, simple citoyen de Montfermeil ou de Xavier Lemoine, simple énarque et maire UMP de la ville de Seine-Saint-Denis, on peut se demander lequel des deux propos est le plus irresponsable, aliéné ou choquant : “Si on vient, on assume les risques, ce n'est pas le Club Med” ou bien “ici, ça nous appartient”.
Mais derrières les flammes et les écrans de fumée, revenons à cette nuit du samedi à dimanche, le 14 novembre 2010, où dans l’obscurité de Châlons-en-Champagne se joue un drame similaire à celui du film de John Carpenter : l’attaque du commissariat central de la préfecture du 51, code départemental de la Marne. Assault on Precinct 51 (2010) est-il un remake de Assault on Precinct 13 (2005) lui-même remake de Assault on Precinct 13 (1976), fusion de Rio Bravo et de La Nuit des morts-vivants ?
Pour le savoir, on peut lire cet article matinal et tendancieux, plein de sous-entendus, du journal L’Union (Champagne, Ardenne, Picardie) en date du 16 novembre 2010 intitulé : Ils mettent à sac le commissariat
CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE (Marne). Dimanche matin, une bande de jeunes a pris d'assaut le commissariat de Châlons après l'interpellation d'un des leurs. Pour repousser les assaillants, les policiers ont du faire usage du flashball.
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L’article a été principalement repris par des blogs et sites d’extrême droite un chouïa franchouillards, nationalistes, racistes ou délicatement islamophobes tels que France Action Jeunesse, Français de France et François de Souche. L’expression “François de Souche” rappelle en mémoire la polémique créée volontairement ou involontairement par Houria Bouteldja, porte-parole du MIR, Mouvement des Indigènes de la République. L’objet de l’émoi et du scandale a pour nom le terme de suʃjɛ̃. Prononcé lors d’un débat télévisuel sur le plateau de Ce soir ou jamais, le 21 juin 2007, en référence à ceux que l’on appelle les “blancs”, suʃjɛ̃ est un homophone. Faut-il l’entendre “souchiens” ou bien l’écrire “sous-chiens” ?
La polémique est immédiate. Le Journal Marianne, hebdomadaire centriste révolutionnaire, preux chevalier combattant fièrement la pensée unique, s’insurge. Alain Finkielkraut itou. Le philosophe, défenseur des éternelles, exceptionnelles, éthérées, immortelles et universelles valeurs françaises, crie au scandale. Et bien avant Houria Bouteldja, il s’était déjà insurgé. Le 6 mars 2005, s’exprimant sur Radio Shalom : "J’ai peur néanmoins que la créolité puisse aussi servir à entretenir, outre la haine de la France coloniale, la haine d’Israël, Etat juif si vous voulez, c’est-à-dire Etat non créole, non métissé." Ou encore le 18 novembre 2005, dans un dérapage verbal plus ou moins contrôlé au cours d’un entretien avec le quotidien israélien Haaretz : « Les gens disent que l'équipe nationale française est admirée par tous parce qu'elle est black-blanc-beur. En fait, l'équipe de France est aujourd'hui black-black-black, ce qui provoque des ricanements dans toute l'Europe. »
On ne peut en vouloir à Alain car c’est le malin génie, figure du mal philosophique qui parlait en lui. Mais est-ce une question de détail ? Et si oui, est-ce Dieu ou le Diable qui réside dans les détails ?
La polémique suʃjɛn contre suʃjɛn telle une baudruche idéologique n’en finit plus d’enfler. L’expression “Souchienne-Sous-chienne” ne cesse de résonner. La France vivrait-elle dans l’éternelle rengaine ? La fée républicaine Marianne telle la nymphe Echo d’Ovide, serait-elle devenue cette “nymphe à la voix sonore, qui ne sait ni répondre par le silence à qui lui parle, ni prendre elle-même la parole la première” ? Echo maudite par Junon qui “(…) ne peut, lorsqu’on a fini de parler, que redoubler les sons et répéter les paroles entendues”. Souchien-Sous-chien. Ouaf-ouaf.
Afin de calmer les esprits, d’éteindre l’incendie ou de jeter de l’huile sur le feu, Houria Bouteldja décide de répondre à la polémique par un article daté du 5 juillet 2007, intitulé Petite leçon de français d’une sous-sous-chienne aux souchiens malentendants. Victimaire, démagogique ou paranoïaque, ainsi se termine le texte : “On se souvient que le (très grand) contrebassiste américain Charles Mingus, qui était métis noir-chinois et identifié comme noir, très mobilisé sur la question du combat anti-raciste, avait intitulé son autobiographie "Beneath the Underdog" : "en-dessous du sous-chien" !” Alors Souchien ou Sous-chien ? Ouaf, ouaf ! Certains entendent l’aboiement, d’autres n’y voient que souches et racines d’arbre plongeant dans la terre noire et féconde, déglutissant ses cadavres de feuilles mortes et d’étincelante vermine.
Se réveillant soudainement de son formol idéologique, ce n’est que trois ans plus tard que l’AGRIF aux phanères élimés décide de réagir. L’AGRIF est siglée du sceau d’une croix rouge transperçant un coq hurlant, terrassé tel le dragon par l’Archange exterminateur.
L’AGRIF est l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne. L’alliance porte plainte et obtient le 10 mai 2010, du Tribunal de Toulouse la mise en examen de l’auteure du mot, du jeu de mot ou de l’injure raciste. Souchiens ou Sous-chiens ? Le son blasphème de suʃjɛ̃ n’en finit plus de parcourir l’hexagone.
La polémique est ravivée telle la flamme du soldat inconnu par de nouvelles publications. Le 12 avril 2010, sort dans toutes les bonnes librairies repentantes de France un ouvrage au titre délicat “Nique la France”, sous titré de manière plus apaisante : “Devoir d’insolence”. Il est signé Saïd Bouamama, sociologue et membre du Mouvement des Indigènes de la République, MIR.
La station indigène MIR tournant en orbite autour des banlieues françaises prend de l’ampleur. En février 2010, le mouvement se métamorphose en parti politique : le P.I.R., Parti des Indigènes de France.
Son mot d’ordre : “LE P.I.R EST AVENIR !” Son logo : une main brandissant une chaussure. Son slogan ironique, inquiétant (?) évoque moins la bluette rose socialo-royaliste (Désirs d’avenir) qu’une fleur noire, vénéneuse et vengeresse. L’image du parti pourrait faire écho à la performance de منتظر الزيدي. Muntadhar al-Zaidi, journaliste irakien, qui le 28 décembre 2008 lors d’une conférence de presse à Bagdad jeta ses chaussures taille 10 à la figure du président George W. Bush, alors commandant en chef des forces de libération et d’occupation de l’Irak. Muntadhar al-Zaidi, au moment de lancer la première chaussure s’écrie “C’est le baiser d’adieu au nom du peuple irakien, espèce de chien !” Ouaf-ouaf-ouaf. Bush, en vrai-faux cowboy texan, évite d’un double et habile déhanchement les deux projectiles pédestres. Les réflexes du président sont, on l’aura compris, aussi rapides et précis que ses aphorismes sont mystérieux. A propos d’animaux, non pas de chien, ni de sous-chien mais de poisson, n’avait-il pas prononcé cette phrase à la fois obscure et surréelle, digne de l’auteur du Poisson soluble: “I know the human being and fish can coexist peacefully.” (“Je sais que les humains et les poissons peuvent coexister pacifiquement.”) ?
Poissons, chiens de pure race ou sous-chiens, bâtards et têtards voguent dans un même océan de malentendus et de non-sens. Au cours d’en entretien en date du 29 mai 2008, Brice Hortefeux, alors ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, répond à la question d’un journaliste de l’Express :
— Existe-t-il toujours une tentation raciste en France ?
— La vigilance, sur ce sujet, doit être totale et permanente. Le risque existe, à l'évidence, à l'encontre de certaines communautés, en raison de leur couleur de peau ou de leur appartenance religieuse. Ce n'est pas acceptable. Parallèlement, j'ai été très choqué que la porte-parole du Mouvement des indigènes de la République traite les Français de “sous-chiens”. Je ne laisserai pas prononcer de tels mots sans réagir.
Ouaf-ouaf. L’analyse sémiologique du signifié suʃjɛ de Houria Bouteldja traitée dans Petite leçon de français d’une sous-sous-chienne aux souchiens malentendants est-elle plus ambiguë que son signifiant ? Souchiens ou Sous-chiens – That is the question. Contrairement à l’AGRIF, l’association 30 millions d’amis, fondation canine et féline reconnue d’intérêt publique, elle, reste de marbre. Quant à la Fondation Brigitte Bardot de protection animale, son silence est assourdissant. Brigitte Bardot, nymphe sensuelle, éternelle et godardienne dont une photo sur le site François de Souche trône de manière éhontée. On y voit BB, Marianne de la Nation, à droite d’une fusée Ariane de l’Espace, armée de ses propulseurs, prête à décoller.
Compréhensible ou conspirationniste, réelle ou supposée, la paranoïa semble de part et d’autre la chose la mieux partagée au monde. Comme l’aurait dit en 1973, la première Dame de Fer, première premier ministre d’Israël Golda Meir, au secrétaire d’Etat de Richard Nixon, Henry Kissinger :“Even paranoids have enemies”. Et l’Oulipiste Hervé le Tellier de rajouter : “Même les paranoïaques ont des ennemis. C'est vrai, mais les paranoïaques schizophrènes en ont deux fois plus”.
En l’absence de complot, on peut toutefois s’interroger sur la véracité de l’attaque du commissariat châlonnais de Châlons-en-Champagne. Il n’existe aucune mention de l’incident dans la presse nationale. De quoi s’interroger sur la validité de l’information, ou la réalité des événements. Assault on Precinct 51 est-il comme Assault on Precinct 13 une fiction ou bien une hallucination de télé-irréalité ?
Mais parce que le tribunal des censeurs veille, il est toujours préférable d’amender en avance que d’abjurer sous la contrainte. Pour toutes les bonnes âmes charitables ou engagées, bienveillantes, indulgentes ou vigilantes qui trouveront cet article de L’Union dérangeant, inopportun voire raciste, on rappellera par bonne conscience les faits suivants.
L’Union est un journal régional et donc par définition provincial et passéiste, selon la doxa parisianiste. Mais le parisianisme n’est-il pas lui-même le stade ultime du provincialisme ? Le quotidien de la Marne, visiblement de droite, est à mille lieux de Mediapart ou Rue 89, organes officiels de gauche, de la bonne parole et de l’esprit de résistance qui prônent l’information citoyenne, équitable (sic ?), sociale, morale et solidaire.
Par un étrange et poussiéreux réflexe vingtiémiste marqué du sceau d’une sociologie pavlovienne et scientiste, étatiste ou mécaniste, l’identité citoyenne politique est considérée comme un marqueur identitaire. L’homme (loup pour l’homme ou sous-chien pour le chien) est un animal politique et si possible plus politique qu’animal. La France est séparée dit-on entre les purs et les impurs, des Bisounours de gauche et de dangereux psychopathes de droite, entre Teletubbies socialistes et serial killers UMPistes.
National et consensuel, le diktat idéologique affirme la nécessité d’être ou de gauche ou de droite, voir centriste, centre gauche, centre droit, droite gauche, gauche droite. Knockout. KO. Le pays est à terre. En cette France étriquée, rabougrie, racornie, où l’on confond état, nation et culture, il y a aussi des boxeurs en tutu, armés de pompons et de cotillons. Maîtres ès-concepts-confettis, ces intellectuels aux pieds zélés, amoureux transis de la sagesse, bouffis de compassion, sont les nouveaux apôtres du misérabilisme social où le social confine au misérabilisme de la pensée.
Fini le droit à l’ambiguïté, refoulée toute forme de dialectique. Il n’y a de place ici que pour la fabrication du consentement critique des révoltés en dentelles à l’esprit de sérieux, laborieux et plombé, ou des révoltés en goguette qui ne rient que pour mieux s’entendre rire.
Oh Calliope, muse du bien dire, bêêêle l’ire funèbre d’un peuple car toi, poèèète à l’inanité sonore, ééécrivain ressasseur de convenances, à défaut d’avoir une plume à la main ou plutôt dans le derrière ou à en faire de l’huile, une olive dans le cul, toujours tu voteras en ton âme et conscience et parfois même avec une pince à linge sur le nez, pour ne point sentir les effluves d’iode marine lepéniste.
Comment oser parler du remake champenois Assault on Precinct 51 publié par le journal conservateur de droite L’Union, à ne pas confondre avec le journal libéré de charme Union ? Le quotidien régional est vendu à 111 000 exemplaires. Quant au magazine mensuel pornographico-exhibitionniste, il est lu par plus de 600 000 champenois et champenoises, ardennaises et ardennais, picardes et picards, françaises (30%) et français (70%), bleus, blancs, black, beur, beurk, BOF, beurre, œuf, fromage.
Car L’Union et non pas Union est dirigé par Jacques Tillier, ancien agent du service de renseignement de la Direction de la Surveillance du Territoire, DST, et ancien rédacteur du journal d’extrême droite Minute, troué de trois balles tirées par Jacques Mesrine. Ancien rédacteur en chef et directeur du JIR, Journal de l’île de la Réunion, Jacques Tillier est depuis 2008 PDG de L’Union, vendu sous la bannière légitime ou illégitime de “Grand Journal issu de la Résistance”, propriété du Groupe Hersant Media dirigé par Philippe Hersant, fils de Robert.
Tycoon, mogul de la presse française, Robert Hersant est un ancien militant des Jeunesses Socialistes (SFIO), puis créateur du groupuscule adolphiste pro-nazi Jeune Front. Frappé de 10 ans d’indignité nationale en 1947 mais gracié dès 1952, Robert Hersant, surnommé le “papivore” fut également membre du parti radical-socialiste, propriétaire de Nord Matin, journal de la SFIO, puis du Figaro. Etrange parcours que celui d’un homme qui n’a eu de cesse d’osciller entre l’extrême droite antisémite et collaborationniste, la droite républicaine-conservatrice et la gauche anticommuniste.
Pareille disposition idéologique suffit-elle à discréditer le récit journalistique de l’attaque du commissariat de Châlons-en-Champagne ? Et comment expliquer l’absence de distribution ou d’exploitation nationale du film de télé-réalité Assault on Precinct 51 ? Comme l’ont dit François Hollande avec un sens étrange de la comparaison, et de manière calmement frustrée ou irascible Edouard Balladur :
Je suis pour qu'on prenne en compte la réalité, qu'on ne se tienne pas comme des vulgaires.
et
Je vous demande de vous arrêter !!!!
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